Extrait de l’ouvrage “Le plaisir d’entreprendre” de Patrick Storhaye, EMS 2012

Dans un précédent article, nous évoquions l’importance de la diversité des idées au sein d’une entreprise pour contribuer à créer un terreau favorable à sa capacité d’adaptation collective. Or, entretenir cette forme d’ouverture d’esprit permanente exige de privilégier la diversité des personnes et de cultiver une réelle liberté de parole sans laquelle aucune forme d’esprit critique nourricier ne peut réellement exister.

La diversité des personnes est une richesse

Là où la loi française impose de respecter une diversité qui devrait être naturelle, là où la discrimination positive Nord-Américaine conduit à comptabiliser les minorités visibles, il conviendrait de promouvoir la diversité la plus complète, c’est-à-dire celle des cultures, des profils, des compétences, des parcours, des identités, bref de tout ce qui fait la richesse de l’humain.

Jacques Chirac appelait cette diversité de ses vœux lors de l’ouverture du musée du quai Branly à Paris en 2006 en affirmant la nécessité de « promouvoir, contre l’affrontement des identités et les logiques de l’enfermement et du ghetto, l’exigence du décloisonnement, de l’ouverture et de la compréhension mutuelle »

C’est cette même exigence de décloisonnement, cette exigence d’acceptation de « l’Autre » dans tout ce qu’il « Est », qui est essentielle pour les entreprises et leur permettront de passer du stade des “ressources” à celui de la “richesse” humaine, c’est-à-dire passer d’une “ressource” que l’on gère à une “source” que l’on développe. Cette diversité des profils individuels, dans toutes leurs dimensions, favorise immanquablement la variété des points de vue, des façons de penser, des références et nourrit ainsi un bouillonnement intellectuel, source inépuisable de richesse pour l’entreprise si celle-ci lui permet de s’exprimer.

Liberté de parole et esprit critique

Lorsque le sens de l’intérêt général signifiait encore quelque chose dans les grandes organisations, l’esprit critique, au sens le plus noble du terme, apparaissait comme une vertu salutaire, source de progrès pour tous. Mais lorsque celles-ci adoptent parfois des communications « langue de bois », ce qui relevait de l’esprit critique devient impertinence.

Or, la “marge de variété” essentielle à l’évolution d’un système doit pouvoir s’exprimer pour porter ses fruits. Dans cette optique, deux conditions minimales doivent être réunies: « pouvoir dire » et « savoir écouter ». Chacun sait que ces deux conditions sont difficiles à matérialiser au quotidien dans une entreprise.

Le « pouvoir dire » demande d’abord un auditoire ou un interlocuteur, et l’on ne dispose pas systématiquement d’un accès à celui qu’il faudrait ; il exige ensuite une certaine capacité à formaliser, ce qui n’est pas nécessairement donné aux mêmes personnes que celles qui ont réellement quelque chose à dire ; et il requiert enfin une bonne dose de courage pour s’exposer dans un système qui incite plutôt à l’autocensure.

En outre, lorsque Michel Crozier replace “l’écoute”, celle qui « s’intéresse passionnément » (référence) à l’autre, comme l’un des enjeux clés des entreprises, c’est dire s’il s’agit d’une attitude répandue ! C’est une valeur essentielle mais parfois oubliée du management.

En réalité, il y a beaucoup plus d’irrespect de l’intérêt général dans le conformisme du rond-de-cuir servile que dans la « PROvocation » de l’espièglerie bienveillante des gens passionnés. Il faut en quelque sorte réhabiliter cette forme d’impertinence constructive qui lutte contre la tyrannie des « bien-pensants ». Un franc-parler qui, en désacralisant le pouvoir, le met en perspective. La liberté d’expression que l’entreprise tolère lui donne les garanties de son adaptation. La provocation amicale, en cela qu’elle permet de sortir des sentiers battus, est certainement l’un des principes nourriciers de la « pensée latérale » (De Bono, 1973).

Or, il est certain que réintroduire le principe du débat contradictoire n’est pas chose aisée dans certaines organisations, mais c’est pourtant essentiel ! Ceci suppose naturellement un climat de confiance.

Références

  • De Bono, E. (1973). Lateral thinking: creativity step by step. Harper Colophon.