L’innovation RH est une préoccupation pour les praticiens mais elle revêt une infinie variété de finalités et d’ambitions. On ne peut que s’interroger devant une telle étendue de la réalité des pratiques RH.
L’innovation RH est une préoccupation pour les praticiens mais elle revêt une infinie variété de finalités et d’ambitions. Si on lui dédie une fonction comme chez Mazars, elle peut aussi se limiter à de simples benchmarks externes. On ne peut que s’interroger devant une telle étendue de la réalité des pratiques RH.
La fonction RH a 4 raisons de s’engager dans une démarche d’innovation
L’innovation est un facteur de succès des entreprises tant la pression concurrentielle qu’elles subissent est intense. Cette innovation s’inscrit dans une perspective plus large que celle dans laquelle les idées reçues la cantonnent encore trop souvent. Elle porte sur de nouveaux produits et services bien sûr mais elle embrasse aussi l’amélioration continue de la productivité ou la capacité à challenger des Business Models menacés par des barrières à l’entrée qui s’effacent (dérégulation, digital, etc.). Il s’agit en vérité d’un enjeu d’innovation permanente dont la dimension culturelle est essentielle. Il appartient à la fonction RH de contribuer à lui créer un terreau favorable, ce qui passe par le renouvellement de ses propres pratiques.
En deuxième lieu, les modèles organisationnels traditionnels, encore teintés des principes issus du Taylorisme et conçus pour optimiser la productivité, montrent leurs limites. Impuissants pour favoriser l’innovation, ils sont aussi sources de désengagement des collaborateurs lorsque que, poussés à leur paroxysme, ils abîment des dimensions essentielles de l’Homme au travail. Une transformation des organisations vers plus d’agilité collective est alors nécessaire et il appartient à la fonction RH de contribuer à la rendre possible. Or, la plupart de ses processus a été pensée dans ce cadre dont on souligne précisément les limites. Cela suppose de repenser les concepts, les méthodes et les outils de la fonction. Il n’y a pas de transformation de l’entreprise possible sans une transformation RH. Dans cette perspective, comme aucun modèle sur-étagère ne s’impose, il faut expérimenter.
En troisième lieu, si la fonction RH doit accompagner les transformations que l’entreprise ambitionne, elle doit aussi s’adapter aux transformations qu’elle subit, et elles sont nombreuses. Nous ne les listerons pas ici mais il est évident qu’elles appellent à un ajustement des pratiques RH. On pense notamment à toutes les activités RH qui mette en relation avec un écosystème (candidats, main d’œuvre, partenaires sociaux, etc.) dont les comportements individuels et collectifs ont considérablement évolué en particulier sous l’effet de la démocratisation du digital.
Enfin, la fonction RH est une fonction traditionnellement en déficit d’image et que l’on ne cesse de critiquer, à tort, et bien souvent par méconnaissance de la réalité de ses contraintes quand ce n’est pas par pure posture idéologique. Elle doit montrer l’exemple de l’innovation en commençant par elle-même mais aussi renouveler une image parfois un peu désuète. Les innovations dont elle peut être porteuse ne peuvent qu’y contribuer.
Le digital, un levier puissant et paradoxal
Il va de soi que le digital est un puissant facteur de transformation. On sait à quel point sa démocratisation massive dans la société civile a contribué à de nombreux bouleversements, c’est inutile de le rappeler. Néanmoins, plusieurs remarques doivent être faites si l’on veut éviter que certains écueils du passé ne se reproduisent. En effet, c’est en parant le digital de qualités qu’il n’a pas qu’on prend le risque de ne pas bénéficier des formidables vertus qu’il a !
Le digital n’est pas réductible à une dimension technologique car il est d’abord porteur d’une culture.
Ses pratiques et son vocabulaire, et plus particulièrement ceux du développement informatique, envahissent la sphère managériale comme si l’on avait trouvé une nouvelle pierre philosophale. Pourtant, il ne suffit pas de s’inspirer des méthodes de développement agile pour faire preuve d’intelligence collective. Il ne suffit pas de hacker des processus dans un sympathique moment convivial avant de repartir dans un quotidien fait de normes et de conformité pour en faire une réalité. Il ne suffit pas de vanter les charmes du design thinking pour retrouver une créativité qu’on appelle de ses vœux mais dont on refuse implicitement les conséquences. Il ne suffit pas d’être collaboratif (faire un « effort » ensemble) pour coopérer (faire « œuvre » ensemble). Il ne suffit pas de faire du big data pour être intelligent collectivement. En résumé, le digital ne suffit pas…
Il faut se méfier de l’écume trompeuse des mots pour se concentrer sur le sens en affrontant la vérité du terrain et des situations.
Le danger est de s’en détourner et d’ignorer les invariants qui les régissent souvent et dont l’histoire du management montre qu’on a bien du mal à en venir à bout ! Or, le digital est aussi un marché ou, comme toujours en période où l’incertitude règne, l’influence des fashion setters y façonnent les espoirs d’une demande en recherche de solution à des problèmes bien réels et souvent vitaux.
Le Knowledge Management a livré de nombreux enseignements depuis les années 90 qu’il serait utile de ne pas ignorer aujourd’hui. Les effets attendus ou espérés du digital ne viendront pas de la technologie, même si son évolution est un puissant déterminant. Il est d’abord d’ordre humain. Les transformations qu’on en attend relèvent en effet des pratiques professionnelles, de l’habitus, de la culture et des valeurs, ce qui prend toujours beaucoup de temps. Le digital joue un rôle de levier, de facilitateur, d’amplificateur et offre de nombreuses opportunités mais il n’affranchit pas de la dimension profondément humaine des enjeux de l’entreprise contemporaine.
L’innovation RH ou la vérité du terrain
En conclusion, on peut penser que les RH les plus innovants ne sont peut-être pas ceux qui vantent les promesses d’une modernité digitale en marche à force de nouveaux concepts que l’on qualifie aussi vite de stratégiques que de révolutionnaires. Les RH les plus innovants sont peut-être simplement ceux qui s’emploient à résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés, loin du tapage médiatique, de la mode et de ses emballements. Ceux-là, ayant compris la formidable opportunité concrète que représente le digital, innoveront dans les faits car ils sont aussi conscients du travail et du temps que cela exige, sans qu’aucune potion magique ne les affranchisse des difficultés et du chemin à parcourir.
En la matière, il n’est qu’une vérité, celle du terrain et des résultats qu’on y obtient.