Le rôle de la DRH au regard de la transformation de l’entreprise vers plus d’agilité requiert bien sûr en premier lieu de reconnecter avec celles et ceux qui lui donneront corps, la réaliseront et la feront vivre. Mais cela passe aussi par la capacité de la fonction RH à reconnecter avec la réalité, c’est-à-dire celle du temps, du travail et des Hommes.
Le vocabulaire, marqueur d’une époque
Le talent remplace la compétence, la motivation s’efface au profit de l’engagement, les TIC cèdent la place au digital ou au numérique, la prévision devient tellement difficile face à l’incertitude qu’on lui préfère un incantatoire prédictif…
Le vocabulaire en vogue au sein d’une profession est ainsi un marqueur riche d’enseignements. Il témoigne des représentations dominantes dans un contexte donné. Certains de ces glissements sémantiques sont particulièrement révélateurs, car ils permettent de qualifier le contexte d’une idée ou d’un concept qu’on dénommait autrement auparavant.
Déconnection et transformation
C’est le cas de l’idée de « déconnexion » qui souligne deux faits majeurs :
- Une augmentation de la distance entre le citoyen-salarié et l’univers de l’entreprise, qui se manifeste par une série de faits corroborés par l’étude ADP : rejet de la verticalité des modes de management, défiance à l’égard de l’entreprise et de ses décideurs, mal-être au travail, etc.
- L’importance du rôle joué par le digital, tant en ce qui concerne les bouleversements dont il est à l’origine que des espoirs qu’il peut faire naître au regard des enjeux de transformation des entreprises.
C’est aussi le cas du mot « transformation » qui a progressivement remplacé le « changement » vers la fin des années 2000. Certes, les deux termes désignent en substance la nécessaire adaptation de l’entreprise pour maintenir et renouveler ses leviers de compétitivité. « Changement » signifiait littéralement « passage d’un état à un autre », ce qui supposait implicitement que l’on identifie la forme des états de départ et surtout d’arrivée. La « transformation » renvoie quant à elle l’image d’une forme spontanément plastique, qui s’adapte naturellement aux changements incessants de son contexte, sans que l’on connaisse dans le détail la nature des états successifs que cela engendre. Cette nuance sémantique invite à considérer trois aspects :
- le contexte contemporain présente des caractéristiques qui rendent le défi de la compétitivité plus ardu que jamais à relever ;
- réussir ce défi – qui prend les atours de l’intelligence collective – exige une importante implication du corps social des entreprises ;
- cet engagement collectif est impossible à favoriser si la direction des RH est « déconnectée » des enjeux et surtout des acteurs, au premier rang desquels les collaborateurs.
Qu’est-ce que la transformation ?
Notre époque est marquée par l’hyper-compétition mondiale à laquelle les entreprises doivent faire face. Cette hyper-compétition rend caduque les recettes traditionnelles, auxquelles elles ont encore grandement recours, pour maintenir leur compétitivité dans la durée. Pour résumer : le cycle habituel qui consistait à privilégier une stratégie de compétition par les coûts, renouvelée par des innovations de produits et/ou de services, n’est plus suffisant pour résister à la brutalité de la concurrence planétaire. Il est désormais devenu nécessaire d’optimiser ses coûts en permanence tout en étant capable d’innover à un rythme élevé – y compris sur la manière même d’optimiser les coûts. L’innovation doit devenir une exigence constante, part intégrante de l’ADN de l’entreprise.
La principale difficulté que pose cette double exigence réside dans le fait qu’elle rend difficile le recours systématique à des modèles organisationnels et managériaux stéréotypés – aux caractéristiques antagonistes – auxquels les entreprises s’étaient habituées depuis longtemps. Bref : parler de transformation c’est vouloir devenir agile, c’est-à-dire faire preuve d’intelligence collective.
Une fonction RH qui reconnecte avec la réalité et le temps
Quand il faut affronter l’incertitude et des problèmes inédits, on ne peut pas se contenter de choisir dans une liste de solutions connues et standard :
- la transformation ne consiste pas à déployer les principes d’une Nième pierre philosophale du management. Depuis des années, le besoin d’agilité collective a en effet convoqué de nombreux concepts comme les équipes semi-autonomes, l’organisation apprenante, les cercles qualité, le Knowledge Management ou l’entreprise libérée. Dans la pratique, aucune de ces approches ne peut prétendre avoir fait le tour de la question ;
- le défi de l’intelligence collective suppose des remises en cause significatives des représentations et des systèmes de valeur dominants. L’enjeu est bien d’ordre culturel, car « se transformer » c’est faire évoluer les comportements individuels et collectifs et par conséquent les représentations sur lesquelles ils s’appuient ;
- relever ce défi réclame nécessairement un temps considérable précisément parce qu’il est d’ordre culturel. Il exige d’accepter les inévitables tâtonnements et erreurs qui émaillent toute expérimentation lorsqu’aucune solution simple et évidente ne s’impose.
Dans un tel contexte, la fonction RH a une double responsabilité :
Le rôle de la DRH au regard de la transformation de l’entreprise vers plus d’agilité requiert bien sûr en premier lieu de reconnecter avec celles et ceux qui lui donneront corps, la réaliseront et la feront vivre. Mais cela passe aussi par la capacité de la fonction RH à reconnecter avec la réalité, c’est-à-dire celle du temps, du travail et des Hommes. Le problème à résoudre est complexe et sa résolution suffisamment vitale pour les entreprises pour s’attacher à l’essentiel, c’est-à-dire celui des organisations humaines et de leurs invariants.
Article initialement publié sur RH info le 19 septembre 2016