Le 27 octobre 2000, je publiais un article intitulé «Le changement est ailleurs» sur RH info, communauté RH que j’avais créée un an plus tôt. Un article qu’il me semble intéressant de relire donc 15 ans plus tard, en remplaçant le terme de «changement» par celui de «transformation» et celui de «Technologies de l’Information et de la Communication» par celui de «digital». De là à dire que les modes managériales se succèdent… je n’oserai tout de même pas !

Voici cet article publié le 27 octobre 2000 sur RH info

Le changement est ailleurs !

Le changement que nous vivons, ou subissons, est présenté par beaucoup comme une véritable rupture avec le passé. Les autres, plus conservateurs, convaincus que les premiers sont des Cassandre prêts à vendre à n’importe quel prix leurs services de consultants, crient à l’exagération et parlent plus volontiers d’évolution. Même si brandir les craintes des autres est une tactique marketing bien connu du premier garagiste de quartier, le débat sur la nature du changement dépasse le simple champ commercial.

Le changement que nous traversons est bien une révolution, une véritable rupture avec le passé et non pas une simple évolution.

Pour s’en convaincre, il suffit de revenir aux travaux de l’école de Palo Alto qui distinguait l’évolution – dont les causes sont endogènes – et les ruptures – dont les causes sont exogènes. En d’autres termes, il y a évolution lorsque l’organisation s’adapte en interne mais en restant dans un système de référence inchangé. A l’inverse, il y a rupture lorsque les références des organisations sont modifiées en elles même, lorsque la “norme” change.

Dans le cas présent, force est de constater que nos entreprises ne sont pas confrontées à de simples ajustements de leur organisation à la manière du cycliste en danseuse qui se balancerait de droite à gauche pour garder son équilibre, comme l’évoquait Watzlawick. Pour certaines d’entre elles, il s’agirait plutôt du cycliste qui vient de s’apercevoir qu’il y a des motocyclettes dans la course ! Bref pour certain, le changement n’est pas une nouvelle mode managériale, mais bien une condition de survie.

Deux réflexions semblent toutefois devoir rester bien présentes à l’esprit :

La première est que l’une des causes les plus visibles du changement, les Technologies de l’Information et de la Communication – TIC, et particulièrement Internet, est en même-temps son propre porte-parole. En d’autres termes, la nature de la cause a en quelque sorte contribué intrinsèquement à amplifier son intensité. Ainsi, plus Internet parle exponentiellement de lui-même comme cause d’une profonde mutation, plus la nécessité du changement apparaît comme une évidence aux yeux de tous. Ceci explique en partie l’aveuglement des marchés financiers, qui se rendent aujourd’hui compte que la “Vieille Economie” avec ces milliards de Résultat Net réalisés depuis des années n’est peut-être pas à balayer d’un revers de main.

Le second élément qui nous semble devoir ne pas être oublié est que, finalement comme toujours, la plus grande des révolutions est certainement la moins visible. Bien sûr, les outils (Internet, Intranet, CRM, ERP etc.) sautent aux yeux et apparaissent comme les bras armés d’une modernité retrouvée. Mais quoi de vraiment différent avec l’avènement des chaînes de travail de la Ford T lorsque l’on s’aperçoit que les principaux effets attendus par les dirigeants sont des gains de productivité ?

Non, la réalité est autre. Moins médiatique. Moins évidente. La rupture, le véritable changement, réside certainement beaucoup plus dans ce ferment qui attaque lentement et inexorablement la verticalité structurée du pouvoir dans nos entreprises. Les technologies de l’Internet ou des Intranet, ont un point commun, la notion de réseau, avec toute la transversalité qu’elle impose et exige. Lorsque Franck Riboud, PDG de Danone, clame dans Les Echos du 24 octobre 2000 que « le patron de demain sera iconoclaste et créatif », il y a naturellement quelques crétins engoncés dans leurs fauteuils qui se gaussent. Mais ceux là sont virtuellement morts !

N’en doutons donc pas, nos entreprises vivent une véritable révolution. Et pas seulement celle de la nouvelle économie mais aussi celle de l’ensemble d’une économie qui ne pourra plus fonctionner comme avant. A l’heure où la «conduite du changement» est dans le trio de tête du hit-parade des décrets de direction générale (juste après Internet et avant le knowledge management), il est aussi important, sinon plus, d’éduquer vers le haut que vers le bas.