Urbanisation du SIRH et enjeux de frontières

L’urbanisation du SIRH, parce qu’elle touche de plus en plus au SI dans son ensemble et donc à sa gouvernance, amène immanquablement à questionner les frontières du SIRH.

Depuis une dizaine d’années, les systèmes d’information RH sont devenus des ensembles applicatifs de plus en plus complexes, disposant d’une large couverture fonctionnelle. Par ailleurs, cette complexité est d’autant plus importante que les SIRH s’ouvrent sans cesse, d’abord aux collaborateurs et managers naturellement, mais aussi à l’extérieur de l’entreprise. Ces frontières évoluent ainsi tant sur un plan fonctionnel que sur celui de ses interactions, ne cessant par conséquent de démultiplier les référentiels de données utilisées et donc leur partage entre acteurs.

Par ailleurs, l’offre ne cesse, quant à elle, de vivre des soubresauts et se recompose régulièrement, rendant toujours plus délicate la pérennité des choix de la demande. L’important mouvement de concentration des acteurs spécialisés – dits « best-of-breed » – observé au dernier trimestre 2011, avec notamment le rachat de Success Factors par SAP ou celui de RFlex par TalentSoft témoigne de cette instabilité. Or, compte-tenu de l’importance des investissements en jeu, et surtout des coûts d’exploitation dans la durée d’un SIRH, toute modification substantielle de ce type constitue un facteur de risque supplémentaire pour le DRH. Qu’en est-il ainsi, par exemple, des propriétés de souplesse et d’agilité d’une solution « best-of-breed » qui passe sous les fourches caudines d’un acteur mondial généraliste, alors qu’elles avaient présidé au choix de la solution ? Ce choix doit-il être remis en cause ? Que devient par exemple la politique de « versioning », et donc de maintenance des applications, après de tels mouvements ? Le client sera-t-il poussé de fait à changer plus souvent d’application ?

Enfin, la demande des collaborateurs, ou au moins leurs attentes implicites, évoluent significativement tant ils sont habitués en tant que simples consommateurs aux interfaces de qualité et au niveau d’intégration des smartphones et autres sites Internet contemporains. Comment en effet ne pas attendre légitimement une intégration minimale des outils, ne serait-ce au moins que sur le plan de la gestion des profils et des mots de passe (« SSO » ou « Single Sign On ») ? Comment en effet comprendre que des informations nativement présentes dans le SI de l’entreprise ne soient pas automatiquement reprises de façon transparente partout où cela est nécessaire ? Et dieu sait qu’en la matière les outils RH ont encore du chemin à parcourir…

Ainsi, complexité fonctionnelle et technique, modification substantielle du panorama de l’offre, et enfin attentes et exigences des utilisateurs sont autant de facteurs qui rendent nécessaire d’inscrire la maîtrise de son SIRH dans la durée en s’appuyant sur une démarche d’urbanisation. Celle-ci, dans un contexte aux changements incessants, reste la seule qui permet en effet de faire évoluer son SIRH au gré des exigences de court terme tout en préservant la capacité de celui-ci à servir une politique RH dans la durée c’est-à-dire de garder une vision globale en ligne de mire.

Or, s’inscrire dans une logique d’urbanisation pose naturellement la question des relations entre, d’une part, les briques applicatives du SIRH et ses référentiels et, d’autre part, le reste du SI et les acteurs qu’il implique. Cette question est d’ailleurs d’autant plus délicate lorsque l’on se situe dans le cas d’une filiale autonome d’un groupe qui dispose de quelques politiques «corporate» en la matière.

Penser une architecture dans la durée amène directement au thème de la gouvernance du système d’information et donc aux enjeux politiques et aux questions de pouvoir entre les différents acteurs. En d’autres termes, savoir qui a la maîtrise, «qui décide de quoi ?», tant en termes d’évolutions applicatives que sur le plan du système dans son ensemble. Par ailleurs, poser la question de la gouvernance du SIRH et de ses adhérences avec le SI revient à questionner la gouvernance de la fonction elle-même ou au moins à la placer devant la réalité de celle-ci.

Ainsi, l’urbanisation du SIRH, parce qu’elle touche de plus en plus au SI dans son ensemble et donc à sa gouvernance, amène immanquablement à questionner les frontières du SIRH, ce qui constitue l’un des premiers leviers de transformation de son rapport avec les autres directions, notamment financière.